Paris, 51 avenue Jean Chiappe XVIe
4 Janvier 1943
Mon cher Ami
En ce début d'année, que je vous donne de nos nouvelles et que je vous communique ma récente adresse.
Je suis revenu àParis, exerçant une suppléance à la Sorbonne, en histoire de la philosophie, depuis Février dernier. Nous n'habitons plus Caen, et nous sommes fixés de nouveau à Passy-Auteuil, à 10 minutes environ du logis que vous habitiez jadis et à deux minutes du bois de Boulogne. Les enfants vont bien, Claude suit les cours du lycée, et nous nous chauffons convenablement grâce à une provision de bois ramenée de Caen dans nos bagages. Je puis vous donner uassi de bonnes nouvelles de M. Bréhier et de M. Robin. Tout le monde vit et travaille presque comme à l'accoutumée : nous attendons le moment où les échanges intellectuels et scientifiques pourront reprendre.
La mort de notre bibliographe avait, vous le savez, arrêté à peu près pratiquement la vie de notre Institut après les événements de la guerre. Je puis vous donner d'excellentes nouvelles de ce côté, encore que ces nouvelles soient, dans la vie universelle de ces années troublées, de petite importance. Nous avons reconstitué un petit secrétariat et, Vrin et Bontemps aidant, nous sommes en train de corriger les épreuves et de livrer à la publication le 5e fascicule de la Bibliographie, celui-ci (1er septembre de 1939) était à peu près préparé sur fiches à la déclaration de la guerre, et donc le fichier s'est retrouvé dispersé. Reconstitué maintenant, il va voir le jour, et je l'espère du moins, sans trop de fautes. Il ne sera pas indigne de ses ainés. nous sommes prêts à reprendre la publication dès que les relations de pays à pays redeviendront normales.
Et vous, que devenez-vous ? Etes-vous toujours à Lund ? Vous m'annonciez, dans votre dernière lettre, un troisième paternité. Etes-vous maintenant cinq au foyer ? Claude, et même Francis, se souviennent de Hans et Marie et en parlent quelques fois. Nous aussi gardons le souvenir le meilleur de nos amis suédois et espérons les revoir quelque jour, à l'occasion de ces réunions philosophiques qui étaient, à l'esprit de tous, si profitables, et au bon esprit et à l'entente mutuelle si nécessaires.
Donnez-nous de vos nouvelles. Nous vous adressons bien des voeux, et très cordiaux et sympathiques, en ce début d'année qui nous a fait souvenir d'un ancien Noël, à la Suédoise, passé justement ensemble, à Passy.
Bien amicalement à vous et à tous les amis R. Bayer